Retour au sommaire

Les objectifs périscopiques

 

Nom
Source
f/
Fmm
Date
Type
Coupe
Inventeur
Maison
Lien
                                                                            
       
           
           
                                              
                            
                                     
           
Aplanat Periskop von Rohr nº109 p288
tur nº85 p128
40
100
90
1865
1/1
A. Steinheil
A. Steinheil
00022
Aplanat Periskop
tur nš89 p131
12
100
45
1865
1/1
A. Steinheil
Steinheil
00181
Hypergon Lac. nº185 p286
22
100
140
1900
1/1
E. von Hoëgh
goerz
00021
Hypergon US 706 650
22
100
140
1900
1/1
E. von Hoëgh
goerz
00023
Nul-linse Chr. nº573 p 536
11
100
60
~1950
1/1
H. Chrétien
_/_
00019

 

Les objectifs symétriques à deux lentilles ont probablement été nommés ainsi en référence au Periskop de Carl August von Steinheil (1801 - 1870), fournisseur du premier véritable grand angulaire pour daguerréotype. (à moins que ce ne soit son fils Hugo Adolph ?)

Le Periskop a la particularité d'être relativement orthoscopique, et ce avec un angle de champ important, surtout pour l'époque, mais au prix de fortes aberrations chromatiques et sphériques. Steinheil contourna la difficulté en lui donnant une ouverture relative minuscule. Si cela résolvait le problème de l'aberration sphérique, celui du chromatisme ne l'était pas pour autant. Mais à f/40, la profondeur de champ1 est telle que les différentes images colorées sont quasi confondues, comme le montre l'expérience. Ce fait était déjà connu des astronomes des XVI et XVIIème siècles, qui donnaient à leurs objectifs d'observation des ouvertures relatives très petites dans le même but. De plus, à cette ouverture l'aberration sphérique est virtuellement nulle. Mais la tache de diffraction devient très grande (environ 40µ de diamètre pour l'image bleue, la seule utile à lépoque et désignée sous le nom de foyer actinique ou chimique).

Cet objectif a eu une carrière étonnante, puisqu'il est toujours fabriqué ! De fait, ce n'est pas exactement lui, car nous savons aujourd'hui faire beaucoup mieux, et surtout beaucoup plus lumineux. Mais ce que recherchent en lui les photographes contemporains, c'est sa planéité de champ associée à de fortes aberrations, qui donne sur tout le champ un flou assez régulier, souvent qualifié d'« artistique ». Dans ce rôle, il était déjà très apprécié des pictorialistes du début du XXème siècle sous le nom d'objectif anachromatique, double négation malheureuse imitée d'anastigmat. Pour cet usage, son ouverture avait été portée à environ f/5,6.

Certains photographes américains des années 1970 le redécouvrirent, et en firent usage jusqu'à nos jours, notamment dans les procédés dits alternatifs. Sa simplicité de construction n'est probablement pas étrangère à ce singulier engouement, car l'image qu'il fournit dans ces conditions sur un film couleur de petit format est à la fois molle et très irisée.

Par contre, ce fut l'objectif par excellence des appareils très bon marché de format supérieurs ou égal au 6x9, dont les clichés étaient destinés au tirage par contact. Il ne fut détrôné que par les ménisques asphériques en matière synthétique moulée, apparus dans les années 1970.

L'Hypergone lui, par contre, résulte d'une recherche par le calcul. (voir cette page qui lui consacrée. Elle contient quelques erreurs, de date notamment. AInsi que celle-ci, et celle-là, (le vrai numero du brevet est US706650). D'où von Hoegh est-il parti ? Mystère... Mais il n'est pas ici le lieu de discourir sur l'histoire du calcul analytique (même si cela m'intéresse beaucoup ;-)

De fait, l'Hypergone est absolument extraordinaire, surtout si on considère l'économie de moyens mis en œuvre. Il n'est pas exempt de défauts. Le plus important est son chromatisme (il faudra bien 25 ans avant d'en venir à bout), talonné par son aberration sphérique et dans une moindre mesure par sa coma, défauts inhérents à la formule à deux verres simples de même matière. De plus, contrairement à l'opinion générale, il n'est pas rigoureusement orthoscopique, ni dans la version brevetée en 1900 ni dans la version "améliorée" publiée par Lachanaud et consorts. Mais la distorsion est vraiment minime, même si elle rend l'objectif impropre à la reproduction.

Du fait de l'immense champ couvert et de la faible distance de la pupille image au plan focal, la loi du "cos4" assombrit énormément les bords de l'image. C'est pourquoi Goerz fournissait une sorte de diaphragme en étoile que l'on plaçait devant l'objectif durant la pose, et que l'on faisait tourner rapidement sur lui-même à l'air d'un jet d'air comprimé fourni par une petite poire en caoutchouc reliée à une buse placée sur la monture. Comme à f/32 sur une plaque de quelques ISO, la pose atteignait facilement des dizaines de secondes, il fallait travailler sur pied, et cela n'avait donc qu'une importance relative de faire tourner cet objet en attendant de refermer l'obturateur.

Il est optimisé pour la raie F (et même probablement G), et c'est donc lorsqu'il est employé sur une surface sensible non chromatisée qu'il donne le meilleur de lui-même. Tous les clichés que j'ai vu, et ceux que l'on trouve sur Internet confirment cette incroyable qualité, du moins quand on songe à l'équiper d'un filtre bleu en cas d'utilisation d'une surface panchromatique, et que l'on tire par contact. J'ai eu l'occasion d'en manipuler un tout neuf, soldé par un célèbre revendeur du Bd Beaumarchais pour une bouchée de pain. Mais je n'avais même pas cette somme à lui consacrer. Je n'en ai jamais revu d'autre... Il est probablement l'ancêtre du Topogon de Zeiss

La Nul-Linse, ci-devant lentille équiménisque de M. Burcher, a été étudiée de près par Henri Chrétien, toujours fasciné par les choses simples mais géniales. Dans son traité d'optique, il en décrit le calcul et offre une réponse numérique au problème. Cette lentille a la particularité d'avoir une courbure de Petzval nulle si on lui donne l'épaisseur adéquate. Elle n'est donc pas « la plus mince possible » comme dans l'Hypergone, mais l'épaisseur intervient dans le statut final des corrections.

Une fois le diaphragme placé pour éliminer l'astigmatisme, on symétrise l'ojectif pour réduire la distorsion et dans une moindre mesure la coma. Ce curieux objectif serait semble-t-il l'ancêtre "virtuel" des célèbres anastigmats symétriques à 6 lentilles en deux groupes, dont le premier exemple commercialisé fut le Dagor de Goertz.

Il n'est pas corrigé du chromatisme, ni de l'aberration de sphéricité, ni de la coma. En ce sens, il partage le sort de l'Hypergone. A une différence près, toutefois : il est possible de l'employer à plus grande ouverture, mais sur un champ plus restreint.

Il y a quelques années, je lisais dans une revue de photographie des analyses de grands angulaires non retrofocus, du genre de ceux encore fabriqués pour le grand format et pour les appareils à télémètre couplé. Il y était question d'un objectif à deux lentilles de très courte focale, qui répondait tout à fait la définition de celui décrit ci-dessus. La maison qui le commercialisait fabriquait des filtres dégradés, destinés à remplacer la petite étoile tournante de l'Hypergon, et cet objectif, vendu une fortune, était simplement destiné à démontrer leur efficacité face au "cos4".

Le journaliste condamnait l'objet sans appel. Il est vrai que comparer ce petit périscopique anachromatique (autre double négation passée dans le langage courant) à des objectifs Leitz extrêmement perfectionnés et performants, le tout à l'aide de pellicules panchromatiques, ne pouvait qu'aboutir à cette conclusion. Il n'était pas besoin de test pour cela.

Cette famille de périscopiques n'a plus guère d'intérêt aujourd'hui, si l'on excepte l'Hypergone, jamais égalé à ma connaisance du point de vue de l'angle du champ othoscopique pour un objectif commercial. On s'en approche cependant : il existe un objectif Cosina / Voigländer Ultra Wide Heliar de 12mm de focale pour le 24x36 ouvert à f/5,6, qui atteint 120° d'angle de champ, avec les mêmes ennuis d'assombrissement de bord d'image. Mais lui est un anastigmat achromatique utlisable à pleine ouverture sur du film panchromatique.

Cette famille est à l'origine des aplanats qui séviront près d'un demi-siècle, et des symétriques à 6 lentilles en deux groupes, dont les deux derniers représentants furent probablement les Beryl Boyer (disparus avec la marque à la fin des anneés 70), et les Dagor de Goerz, disparus vers la même époque. Je leur consacrerai un autre petit texte un de ces jours.

E. B.


1Il conviendrait de dire plutôt : Profondeur d'image, mais cette experssion est consacrée par l'usage.