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[L’original de cet article est paru en édition complète dans la revue du Club Niepce Lumière. Pour toute citation ou reproduction, veuillez contacter cette revue ou l’auteur E. Beltrando.]
  
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Quelques remarques sur l’origine des objectifs photographiques

 

Introduction : de la généalogie optique

« Créer un objectif photographique est certainement le problème le plus ardu qui ait jamais été posé à un opticien. » (J. Burcher) Il est opposable que le calcul d’un objectif de microscope de grande puissance ou d’un télescope surpuissant ne sont pas des exercices scolaires. Certes, mais les photographes exigent vraiment le beurre et l’argent du beurre. Ils veulent à la fois que leur appareil soit lumineux, ait un grand angle de champ, donne des images fidèles et contrastées, soit léger, solide, souple d’emploi, et pour le sourire de la crémière : bon marché ! Mais un tel instrument relève de l’utopie, aussi fut-il dès le début fait des concessions d’un côté ou d’autre pour essayer d’en approcher. D’aucun rogna sur la luminosité pour augmenter l’angle de champ,  l’autre abandonna le contraste au profit de la luminosité, et ainsi de suite. A chaque fois, un ou plusieurs ingénieurs rivalisèrent d’ingéniosité et d’imagination pour aboutir à un objet réalisable et surtout vendable.

Les véritables créateurs furent peu nombreux, et leur noms sont associés à des figures de très grande intelligence : J. Petzval, A. Steinheil, P. Rudolph, H. Taylor, E. von Hoegh, pour n’en citer que quelques uns. Compte tenu de la difficulté de l’entreprise, on n’invente pas souvent un objectif vraiment original. Il y eut de nombreux imitateurs, mais aussi beaucoup de « développeurs », qui tentèrent de retoucher l’invention avec une amélioration de leur cru, tout en cherchant à conserver les avantages de l’original.

De là naquirent les « lignées » d’objectifs, objets de cet article. Certaines sont plus que centenaires, le Tessar, le Cook lens et le Planar, par exemple. D’autres n’eurent que peu ou pas de descendance, le triplet d’E. Abbe, ou l’Anastigmat de Beck.

Mais pour remonter ou descendre une filiation, il faut pouvoir accéder aux paramètres de construction des objectifs, et si possible, à leur principe de fonctionnement. Malheureusement cela relève souvent de ce que l’on nomme « le secret industriel », traduisez les procédés et tours de main des constructeurs qui leur permettent de rester sans concurrence sur le marché. Sans compter que l’optique instrumentale a toujours été un l’objet de convoitises tactiques et stratégiques : voir l’invisible, si possible sans être vu, est une nécessité vitale en temps de guerre, et primordiale pour l’espionnage en temps de paix.

De nos jours, tout ceci a perdu quelque peu de son importance avec l’avènement de l’électronique, mais reste encore à l’ordre du jour pour de nombreuses applications « sensibles » : viseurs, instrument d’approche, photographie aérienne et spatiale, etc.