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Tester un objectif m'a toujours fait penser à tester un haut-parleur. Finalement, la problématique est un peu la même.

Expliquons-nous.

Tester un haut-parleur peut prendre différents sens. Par exemple, on ne demande pas les mêmes qualités à un HP de guitare électrique, de sonorisation de stade, ou de console de prise de son. Il serait absurde de les mettre en concurrence sur des critères identiques. Le malheureux haut-parleur de salon exploserait à la première annonce du commentateur de football, et le haut-parleur de stade serait bien en peine de différencier un violoncelle d'un basson.

On peut faire les mêmes remarques concernant un objectif de photogravure pour chambre grand format et un objectif ultra lumineux pour 24x36. On imagine le photograveur contemplant d'un air navré l'abominable petite image floue et distordue sur sa plaque offset, tandis que le reporter chercherait désespérément à saisir son sujet avec un tromblon frisant le kilogramme, et ouvrant glorieusement à f/10...

Obstinons-nous.

Le fabriquant de haut-parleur parlera de Hz, de dB, de pourcentages de distorsion harmonique, et fera exécuter des mesures dans l'ambiance calibrée d'une chambre anéchoïque avec du matériel étalonné.

Vous en connaissez beaucoup de gens qui écoutent leurs disques chez eux, dans une chambre anéchoïque ? Moi non. J'irai même jusqu'à dire que la grande majorité des mélomanes ignorent jusqu'à l'existence de ces objets barbares.

De même, l'opticien mesurera des contrastes, des séparations de lignes, des fonctions de transfert de modulation, des pourcentages de distorsion et de chromatisme primaires ou secondaires, sur des bancs d'optiques sophistiqués.

Honnêtement, quand M. Fenouillard rentre de voyage, ce qui lui importe, c'est que ses photos soient nettes et contrastées. Il se moque bien des bancs Matra et des normes ISO de mesure sur mires.

Achevons pesamment.

Quand, tout fier de votre achat, vous déballez dans votre salon la splendide chaîne achetée à grand prix sur les conseils conjugués d'une revue spécialisée, de votre voisin du dessous et du vendeur du magasin, vous êtes intimement persuadé que vous avez fait LE bon choix, c'est-à-dire le vôtre. Et vous avez raison ... tant que vous n'avez pas écouté l'objet de votre achat.

En effet, votre salon n'est pas la salle de votre vendeur de HI-FI, et vos oreilles ne sont pas celles du rédacteur de la revue. Vos goûts ne sont probablement pas non plus les mêmes que ceux de vos relations. Une fois les haut-parleurs casés plutôt que placés dans une pièce conçue par un architecte et non par un acousticien, il est probable que la chaîne Haute Fidélité (basse fidélité serait d'ailleurs plus juste) ne sonnera plus du tout pareil. Et si vous " montez " le son pour essayer de retrouver les sensations qui motivèrent votre achat, il est probable que votre voisin de si bon conseil devienne rapidement votre meilleur ennemi.

Ajoutons que l'amateur de musique de chambre ne choisira pas le même matériel que l'amateur de hard rock. Tout cela pour dire, que le choix d'un haut-parleur, si bon soit-il, reste en fin de compte une affaire très subjective. Et s'il existait une seule enceinte parfaite et universelle, on n'achèterait évidemment que celle-là, et les vendeurs de dB dorés sur tranche fermeraient boutique ...

Et les optiques dans tout cela ?

Il en est de même des objectifs photographiques. Vous avez écumé la presse spécialisé, où X vante l'objectif Machin, lui-même vilipendé par Y qui prône Truc. Vous avez " surfé " des heures entières à la poursuite de l'oiseau rare, et enfin, dans un magasin en ligne ou non, vous avez " craqué " pour l'objet de vos rêves. Celui qui va enfin vous permettre d'exprimer ce talent si longtemps bafoué par la piètre qualité de votre précédent matériel.

Mais la dure réalité des faits vous fait retoucher terre avec brutalité. Ah les affreux menteurs, arnaqueurs, ignares, vendus, pendards (complétez avec votre propre vocabulaire) ! D'accord, votre coeur ulcéré et votre porte-monnaie vide crient tous deux vengeance. Mais comment voulez-vous que tous ces conseilleurs et vendeurs devinent que vous ne photographiez que des vols de canards par temps de brouillard sur de la pellicule diapo développée en noir et blanc? Ou que vous ne regardez vos images qu'à la loupe Steinheil 10x sur un négatoscope ? A moins que vous ne " shootiez " uniquement des coccinelles au flash sur de la Kodachrome (marque déposée), ou ne fixiez des natures (très) mortes en 4x5' sur des calotypes fabrication maison. Ou que sais-je encore ?

Ce qui est certain, c'est que l'objectif encensé par le chasseur de coléoptères ponctués ne sera probablement pas le même que celui de l'adepte de volatiles brumeux.

Il est vrai que lorsque l'on regarde comment sont testées les optiques dans les revues ou sur Internet, on ne s'ennuie pas. Entre les images " vignettes timbres-poste " et les courbes FTM sans repères normés, on a souvent le choix des devinettes. Sans parler de la langue de bois à lire entre les lignes, grande spécialité franco-française.

La critique est aisée, n'est-ce pas ? J'en conviens. Mais que diantre, pourquoi jouer au gourou quand on sait pertinemment que l'on a quatre chances sur cinq de se tromper ? Si l'on se contentait de demander au futur client ce qu'il compte faire, pour pouvoir lui dire à bon escient, que cet objectif là, sur cet appareil là, dans ces conditions là, lui donnera (probablement et si tout va bien) le type d'image attendu. Encore faudrait-il que le vendeur ou le conseiller soit lui-même photographe avant d'être diplômé Force de Vente ou Plumitif Certifié.
Comme de plus vous avez de grandes chances de retrouver sur votre appareil, numérique ou non, la même optique estampillée sous vingt marques différentes, de la plus prestigieuse à la plus obscure, sortant de la même usine et faites sur la même formule par les même ouvriers, le choix est généralement fort restreint.

Acharnons-nous.

Je lisais dernièrement dans le même numéro d'une revue bien connue, trois analyses d'un objectif identique monté sur trois appareils différents, et donc vendu sous trois marques différentes. L'aberration chromatique et la distorsion, indépendantes du capteur et peu influencées par le montage, étaient notées de trois manières différentes. Les tolérances (larges) de fabrication expliquaient parfaitement la chose, mais peut-être était-il indécent d'avouer au lecteur que le même objectif pouvait lui être vendu un prix variant du simple au double, simplement parce que la marque sérigraphiée dessus était prestigieuse ou non ?

Le directeur d'une firme allemande réputée pour le prix astronomique de ses fabrication a fini un jour par avouer que les optiques de ses prestigieux compacts étaient fabriquées en Extrême Orient par une maison bien peu noble, " mais que ces objectifs y étaient montés avec un soin tout particulier justifiant leur appellation "(sic !). Et ceux de la marque japonaise qui fabrique les boîtiers " allemands " sur lesquels se montent ces fameux objectifs sont-ils eux aussi plus noblement nés ? Les ouvriers reçoivent-ils des ordres pour mieux travailler quand on destine le produit à l'un plutôt qu'à l'autre ? Ou peut-être touchent-ils une prime pour régler leurs machines plus souvent ? Soyons sérieux, et testons sans regarder la bague, en n'oublions pas que Boyer a longtemps fabriqué pour Leitz, et pas sous licence.

Quelque revues et quelques sites justifient ainsi le temps et / ou l'argent qu'on leur consacre, et prennent même la peine de faire des pages bien imprimées (mais sans vignette de contrôle) et des écrans " légers " à télécharger (avec contrôle !). Sur Internet, tout le monde s'y réfère, vous les trouverez facilement avec un moteur de recherche.

Foin de fiel, le meilleur objectif est finalement celui avec lequel on fait ses meilleures photos.

Il faut souvent le chercher longtemps, et l'instrument rêvé est parfois fort ancien ! Il me semble d'ailleurs que ce n'est pas forcément un handicap. Songez aux violons d'un certain Stradivarius ...

Ah les objectifs d'antan ! Lisez donc l'Á Propos de ce site...