Plagiat ou perfectionnement ?Dériver un objectif est-il un plagiat ou un perfectionnement ? C’est dans un premier temps à l'Office des Brevets d’en juger [16] . Et parfois, aux tribunaux dans un deuxième temps [17] . Il ne suffit pas de changer les constantes d’une optique pour la rendre nouvelle. Sinon il faudrait breveter chaque réplique à chaque nouvelle livraison de verre. Il faut prouver que l’on a fait oeuvre originale. Mais il existe bien des méthodes pour « récupérer » une formule intéressante ou féconde. La première qui vient à l’esprit est d’essayer de modifier tant soit peu la formule sans changer ce qui fait son efficacité. Ceci suppose que l’on ait compris le fonctionnement de l’objet, sous peine d’avancer par essais et erreurs, méthode empirique qui peut allonger démesurément les délais. Mais faire ainsi du reverse engineering n’est pas à la portée du premier ingénieur venu. Il faut une grande expérience de la conception optique, et une intuition dans le calcul qui réserve cette voie royale aux plus grands. Ainsi naquirent des lignées de pseudo-Planar qui finirent par ne plus ressembler à l’original si ce n’est par le nombre de lentilles [18] . Une méthode différente est de prendre la formule, et d’essayer de la « croiser » avec une autre. Le résultat est parfois excellent. C’est ainsi que serait né le Tessar. Là aussi, on note de nombreux exemples de chimères plus ou moins viables. A contrario, si l’on part d’une base préexistante et que l’amélioration est flagrante, on peut dire que l’auteur a apporté une contribution originale et personnelle à l’invention. Il est clair que le Summitar est globalement meilleur que le Planar, mais au prix d’une structure plus complexe. Mais que dire d’un Elmar reprenant à très peu de chose près la formule du Tessar ? Parfois le mimétisme va encore plus loin : comparez un Perle à un Topogone ... Il ne nous appartient pas de juger, mais il faut se souvenir qu’il n’est pas très moral d’exploiter l’idée d’un autre en oubliant de le citer. Quand Listz transcrivit la Campanella de Paganini, il cita bien évidemment ce dernier, et Brahms rendit à Haydn ce qui lui revenait quand il écrivit des variations sur un de ses thèmes. Ce qui est bon pour les génies de la musique serait-il indigne des ingénieurs d’optique ? Les grandes lignéesDe grands auteurs tentèrent de distinguer ces fameuses formules mère afin de classer les combinaisons, ainsi que nous l’avons vu précédemment. Kingslake en a fait une liste très riche dans son livre sur l’objectif photographique. La somme étonnante nommée Vademecum repose aussi sur cette notion. Beaucoup d’opticiens considèrent comme fondamentales :
Pour n’en citer que quelques unes. [16] On peut d’ailleurs s’interroger sur la clairvoyance des surveillants de brevet quand on voit les troupeaux de triplets de Taylors, de Tessar de Rudolph, de Dagor de von Hoegh rebaptisés et rebreveté entre 1900 et 1930 sur des revendications complètement loufoques. [17] Voir l’affaire du Rectilinéaire et de l’Aplanat. [18] Comparez l’original avec un de ses derniers avatars à 6 lentilles de chez Nikon ou même Zeiss. |